« Entre Grande Idée et
statu quo
Les Grecs d’Istanbul
traversent la Première Guerre mondiale »
Conférence de Méropi Anastassiadou-Dumont
Professeur à l'INALCO
à la Maison de la Grèce, mardi 1er octobre 2019
Mardi 1er octobre 2019, la Communauté
hellénique de Paris et des environs a inauguré un nouveau
cycle de ses activités, en accueillant, à la Maison de la
Grèce – avec le Bureau de Diplomatie Publique de l’Ambassade
de Grèce – Méropi Anastassiadou-Dumont, professeur à l’INALCO,
à l’Université de Genève et directrice adjointe du CERMOM.
M. A. a consacré ses travaux à l’étude
des sociétés urbaines de la Méditerranée orientale, (Empire
ottoman, Grèce, Turquie) au cours des XIXe et XXe siècles.
Elle a étudié l’histoire des institutions et du droit, le
changement urbain et social dans les villes ottomanes au
XIXe siècle, les gens ordinaires, les nouvelles élites, la
connivence des cultures et le vivre ensemble face à
l’émergence des nationalismes.
Deux titres, parmi ses nombreuses
publications, deux ouvrages qui, sous l’angle plus large de
leur sujet, apportent un éclairage complémentaire au thème
qui a fait l’objet de sa conférence :
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Entre Grande Idée et statu quo
Les Grecs d’Istanbul traversent la Première Guerre mondiale
Sont,
Méropi Anastassiadou, Les Grecs d'Istanbul au XIXe siècle.
Histoire socioculturelle de la communauté de Péra, Leiden-Boston,
2012, E. J. Brill ;
Méropi Anastassiadou, Paul Dumont, Les Grecs d'Istanbul et
le patriarcat œcuménique au seuil du XXIe siècle, Une
communauté en quête d'avenir, Paris, 2011, Le Cerf.
Nous avons eu un aperçu du travail scientifique de Méropi
Anastassiadou sur la communauté orthodoxe d'Istanbul, grâce
à l’étude des archives paroissiales, principalement celles,
très importantes, de Péra : on a d’abord suivi cette
communauté au 19e siècle, avec les bouleversements du
nouveau départ des années 1830, les Néo-phanariotes, la
guerre de Crimée et ses conséquences, enfin la charte
appelée "Règlements généraux", les années prospères et le
rôle de l'Église dans la vie des orthodoxes, comme la crise
économique des années 1870. Mais aussi et surtout pendant
les années de la première Guerre Mondiale et ce qui
s’ensuivra avec la guerre gréco-turque qui verra la Grande
Idée se conclure par la Catastrophe et l’exil de 1922.
Quand la Première Guerre mondiale se déclenche, les Grecs et
les Turcs sont déjà dans deux camps hostiles. Leurs
sympathies (tout comme celles des Arméniens) allant parfois
à la cause de l'Entente, le gouvernement des Jeunes-Turcs
met en place, à partir de 1915, une politique génocidaire
contre les minorités de l'Empire ottoman. Problèmes
sanitaires, faim, paupérisation, mortalité élevée, les Grecs
ont à faire face à un afflux ininterrompu de réfugiés, qui
fuient spontanément les zones des hostilités ou arrivent
dans le cadre de déportations organisées par les autorités
ottomanes. C’est le lot commun et quotidien de l’ensemble de
la société stambouliote qui souffre pendant cette guerre.
Comme tous les autres non musulmans, les Grecs aussi sont,
depuis 1908, redevables d’un service militaire obligatoire.
Mais comme la question de confiance se pose, c’est un
service militaire à conditions particulières et les
désertions se multiplient, même parmi les musulmans.
Le problème essentiel des Grecs ainsi que des Arméniens et
des Juifs est celui d’assurer et de conserver les biens
immobiliers des fondations pieuses, les vakιfs. Celles-ci
forment les piliers des institutions minoritaires, à la fois
du point de vue religieux et symbolique que financier.
Après le 19e siècle, période de prospérité de la communauté
(guerre de Crimée grandes fortunes bâtiments etc), pendant
les temps troublés de la première guerre mondiale – période
très mouvementée – Istanbul devient une plateforme d’échange
de populations. La communauté grecque, change constamment de
visage : après s’être élargie par nombre de gens cherchant
du travail dans la grande ville et nombre de malheureux
déracinés et déportés, elle « se rétrécit » car les
intellectuels et les grosses fortunes migrent vers Athènes…
Ce ne sont-là que quelques uns des aspects du sujet que
Méropi Anastassiadou a développés avec clarté et une
érudition indéfectible. Nous l’en remercions de tout cœur.
Les nombreuses questions du public, passionné par le sujet,
se sont poursuivies longtemps après, autour du verre de
l’amitié qui s’en est suivi.
Marie Roblin |